Nuit blanche
Grande séance « rattrapage de journal » aujourd'hui.
Et oui, j'étais en retard sur la version papier, ayant été privée de
support pendant presque trois semaines, le temps que mon nouveau
journal, spécialement expédié de France m'arrive, tout imbibé de
Sauternes cet alcoolique... Et comme en plus, il n'a pas de lignes
dedans, il m'a fallu plusieurs jours pour concocter une sorte de
sous-main avec des lignes (entre les essais ratés, les lignes trop
serrées et mes oublis, ça n'a pas été simple)... Vous croyiez quoi ? Que j'écrivais naturellement droit ??
Au bout de deux heures, j'arrête car je commence à ressentir les signes
précurseurs de ses fameuses crampes dans les mains/poignets que tout
étudiant se doit de connaître au moins une fois dans sa vie, surtout en
période d'examen, mais comme il ne reste plus qu'une heure, et qu'on a
à peine achevé l'intro, et qu'on voudrait bien avoir plus de 8/20 cette
fois, on continue à écrire malgré la douleur, tout en faisant des
pauses régulièrement pour permettre à la main de se reposer car de
toute façon ce qu'on continue à écrire devient complètement illisible
(et puis, il faut réfléchir un minimum au paragraphe suivant aussi)...
Mais comme aujourd'hui ce n'est ni un exam, ni un exercice imposé, et
que malgré les apparences je ne suis jamais devenue complètement
masochiste, j'arrête.
Je me lance ensuite dans une grande opération « Ménage d'urgence ».
Pourquoi ? Pour trois raisons :
- je suis à peu près motivée aujourd'hui
- je n'ai rien à faire
- et surtout j'aurai absolument pas le temps demain
puisque je vais en rando (et la semaine, c'est pas la peine de compter
faire un grand ménage, sauf à se coucher à 2h du matin, et comme
souligné précédemment, je ne suis pas tout à fait masochiste...).
Et
juste quand j'allais arrêter pour me préparer à retrouver Christine, le
téléphone sonne. Un appel de France... Non, non, ce n'est pas ce que
vous croyez : c'est pas pour savoir si je vais bien, si je ne déprime
pas trop dans mon coin du monde, c'est juste pour faire la correction
des exercices d'anglais (la voie passive) de Mélissa et accessoirement
savoir le temps qu'il fait à Dushanbe, histoire d'alimenter la rubrique
« météo internationale » de la chronique du village... En attendant, le
temps file et je finis par être sacrément en retard (15 minutes) à mon
rendez-vous avec Christine.
L'opération du jour, c'est de retrouver Bactria. Christine n'y a jamais
été, et moi je n'ai pas trop trop fait attention la dernière fois avec
Faridun... Et pourtant, c'est sur mes frêles épaules que repose
l'espoir de retrouver ce fameux bâtiment établi comme toujours au
milieu de nulle part (à croire qu'ils font exprès de choisir l'endroit
le plus paumé au fond d'une impasse ou d'une petite rue). Après
quelques hésitations, on parvient à l'endroit en question : le concert
a déjà commencé, il n'y a plus une seule place assise, plus aucune
chaise, donc on émigre dans un coin ou se trouve déjà Lukas, et d'où on
ne voit strictement rien à cause d'une gros buisson exubérant devant
nous. Le concert est donné par un guitariste/chanteur, qui laisse
parfois sa place à une fille qui chante et joue un peu de guitare
aussi, et à deux musiciens tadjiks dont la musique me donne des
frissons (va vraiment falloir que je trouve des CD ou des
enregistrements de musique traditionnelle avant mon retour...).
A un moment, je suis distraite de l'observation attentive de mon
buisson exubérant par Daler qui me fait de grands gestes du troisième
étage surplombant la cour où nous sommes. Ravie de le revoir (je ne
l'avais pas revu depuis mon anniversaire !), je grimpe les trois étages
en courant, manque glisser dans les escaliers (mais c'est normal, j'ai
une certaine tendance à l'empotage congénital) et retrouve Daler. Vous
allez me dire : mais que fait-il coincé tout en haut d'un bâtiment au
lieu d'être en bas à écouter la musique ? Et bien, si vous n'aviez raté
aucun des nombreux épisodes de cette saga (ah, faut choisir : c'est soit les feux de l'amour, soit le journal du Tadjikistan...), vous sauriez que Daler travaille les week-ends à Bactria, pour vendre les objets fabriqués par des femmes des Pamirs (oui, maman, t'inquiète pas, je vais en ramener quelques uns !). On discute un peu, il me fait visiter le « yak house shop » et on part dans un délire sur « socks/sucks ».
Explications : tout un
pan du mur est occupé par des chaussettes en laine, de différentes
tailles et formes. J'avais regardé tous les autres murs avant et,
moyennement passionnée par les chaussettes en laine, m'apprêtant à
quitter la pièce, je lance : « it's just socks » (=ce ne sont que des
chaussettes). Et Daler, dans son esprit bien tordu, a compris (ou voulu
comprendre) « it just sucks » (=c'est vraiment à chier, nul). Du coup,
c'était parti pour un méga fou rire...
Je descends à l'étage d'en dessous, ou je retrouve pas mal des Acted
(enfin, ceux qui ne sont pas partis en vacances, comme Aurélien et
Pierre, et ceux qui ne sont pas en mission ailleurs, comme Bret, une
canadienne) en train de contempler une exposition d'un peintre Tadjik.
Particularité de ce peintre : il ne peint (ou en tout cas n'a exposé)
que des nus de filles (sauf un tableau représentant un couple, nu),
dans les tons rouges, oranges ou jaune... C'est assez osé quand même,
surtout dans un pays comme ça, mais jusque là, pas d'émeutes, pas de
fatwa, pas (trop) de scandale...
Le temps passant, deux affamés (Christine et Lukas) s'en vont grignoter
quelque chose, tandis que les acted tentent tant bien que mal de se
regrouper en un troupeau à peu près structuré pour se rendre chez
Sandra (non, ce n'est pas une Acted pour une fois, c'est juste la femme
d'un acted <- nuance !).
Pour ma part, je me dirige vers chez moi, mais pas sans faire un petit
saut au Zelioni pour acheter du raisin. Et encore une fois, ma
méconnaissance de la langue (et surtout, des « virgule quelque chose »)
me trahit. Je demande combien coûte le raisin, et la femme me répond :
1 et 5... Alors dans mon bon esprit, je comprends : 1kg = 5c. Je trouve
ça bien trop cher, donc je lui demande combien coûte le raisin d'à coté
(qui a l'air moins beau) : elle me répond 1c. C'est nettement mieux,
même s'il est moins bon (parce que je ne me suis pas contentée de le
regarder, je l'ai aussi goûté). Et puis, comme je n'ai qu'un billet de
20, et que c'est abusé de lui demander de me rendre 19 (surtout que je
suis pas sure qu'elle ait la monnaie), je me dis que je vais acheter le
raisin à 5c, tant pis pour l'arnaque, et comme Zelioni n'est pas sur
mon chemin, je lui en demande deux kilos afin d'avoir des reserves...
Je lui tends mon billet de 20c et j'attends qu'elle me rende la
monnaie. Et la, j'ai un temps de flottement : je la vois compter des
billets de 5, et en mettre trois de côté pour moi. Elle me fait une
réduction spéciale parce que j'ai acheté deux kilos ? Et puis elle ne
s'arrête pas la, elle me donne encore deux billets de 1... Totalement
déboussolée, je prends la monnaie et je me dirige vers la maison. Sur
le chemin, je continue à gamberger cette histoire, et je finis par me
rendre à l'évidence : le 1 et 5, devait vouloir dire 1,5 somoni le kg,
ce qui correspond à la monnaie qu'elle m'a rendu... Pourquoi elle ne
m'a pas dit 50 dirams ? Là, j'aurais compris (même si je ne sais pas
exactement comment on dit 50, ça ressemble à « piat » quelque chose, et
quand on met diram à coté, ça ne peut qu'être 50cts...)
Sitôt arrivée, je me mets en cuisine pour avoir autre chose que du pain
à manger pour demain midi. Je procède très simplement : je fais
l'inventaire de ce que j'ai dans mon frigo et je cherche une recette
qui correspondrait.
Inventaire : des œufs,
du fromage, des oignons, des tomates, des patates, du raisin. Après
quelques minutes d'intenses réflexions, je me décide : ça sera salade
de tomates pour ce soir, et omelette patate/fromage pour demain.
Seulement, à chaque fois, j'oublie que de cuire des patates c'est
trèèèèèèèèèès long, du coup, je finis par abréger tout ça, et tant pis
si mon omelette est un peu croquante...
Un peu après 11h, Antoine frappe à ma porte. Vous allez me dire : mais
que fait-il à frapper chez les gens à une heure aussi indue ? C'est moi
qui lui avais dit de passer car il devait vérifier ses mails de manière
assez urgente, et quand nous étions à Bactria, nous n'avons pas réussi
à mettre le courant en marche dans le bureau (quand je vous parlais de
tendance à l'empotage congénital...). Bien sur, on commence à discuter,
je termine de cuisiner les crêpes de la veille, on mange un peu de
raisin, on écoute de la musique, et de fil en aiguille, on discute
toute la nuit. Mais on discute de vraiment tout : cinéma, musique,
souvenirs de vacances entre amis, conneries de quand on était jeunes,
calculs matriciels (oui, j'avoue c'est assez violent à 4h du matin,
mais Antoine n'expliquant pas trop mal, je parviens à comprendre l'idée
générale), nos écoles respectives (saviez vous qu'à l'école des mines,
les documents étaient autorisés pendant les examens, et notamment les
annales corrigées de l'année précédente ?? Va falloir que j'en touche
un mot à l'administration de l'iep...), etc. Finalement, vers 7h du
matin, il rentre se coucher, tandis que je me prépare pour la
randonnée...