Chez Rukhshona
C’est parti pour les courses ce matin. De toute façon, je n’ai pas trop le
choix, il faut que je trouve un cadeau pour Rukhshona, car je suis invitée à
son anniversaire cet après midi. Sauf que je ne sais pas trop quoi lui
acheter et y’a pas énormément de choix au supermarché : une boite de
6 œufs ? une grappe de raisin ? un de ces ignobles poissons tout
desséchés et posés tels quels dans le congel (oubliez toute notion d’emballage
individuel…) ? Je finis par me décider pour un cadeau ô combien classique
mais pas trop risqué : une boite de chocolats (les Ferrero en marque locale
pour ceux que ça intéresse…). Et puis pour faire bonne mesure, j’achète aussi
un bouquet de fleurs… Mais pas au souterrain aux fleurs, qui est beaucoup trop
loin et dans la direction opposée. Je m’arrête dans un magasin et parviens à
faire comprendre au vendeur ce que je veux. Ça se voit qu’il n’a pas l’habitude
de faire tout ça (il vend aussi des bibelots) : alors que
« mes » fleuristes font des bouquets toute la journée et te font un
bouquet simple (ce que j’ai demandé) en 1 min 30 top chrono, il lui faut bien
10 minutes pour sortir les roses de leur pot et les mettre ensemble dans un
papier plastique. J’en profite pour lui demander de m’emballer ma boite de chocolat
mais c’est MOI qui choisis le papier cadeau (non parce que les papiers en
plastique multicolore et pailleté, non merci !). Je refuse le ruban jaune
fluo qu’il me propose pour mettre autour du paquet et je récupère le ruban
rouge du cadeau qui m’a fait mon fleuriste/vendeur de bibelots.
Rukhshona vient me chercher à l’arrêt de bus devant chez moi et nous allons
jusqu’au Tzum pour prendre la marshrutka numéro 12 jusqu’au microrayon
(prononcer micro-raïone) 91, la ou habite Rukhshona. Je suis la première
arrivée et je fais connaissance avec les parents et le frère de Rukhshona.
Disons que la conversation est délicate car Rukhshona est la seule à parler
anglais. Deux amies de Rukhshona arrivent peu après, Roxana que je connais déjà
et une autre dont je n’ai pas trop retenu le nom (Mamadjova peut-être ?
enfin, un truc du genre).
On passe à table : samboussas faits par Rukhshona, salade de tomates
et de concombres, plov (le meilleur que j’ai mangé jusque là, et pas
dégoulinant d’huile pour une fois) à la manière semi-tajike, c’est à dire qu’il
y’a une grande assiette de plov au milieu de la table et chacun mange à partir
de cette assiette. Pourquoi semi ? Parce qu’on a quand même une cuillère,
alors que la véritable manière de manger le plov, c’est avec les mains. Au
dessert, un bon gâteau et les chocolats qu’on lui a offerts, et beaucoup,
beaucoup de thé !
Je refais connaissance avec la télé, puisque Rukhshona a le satellite. Elle
me met gentiment les chaînes françaises qu’elle trouve, c’est-à-dire Arte (un
super documentaire sur l’histoire de l’escrime et les célèbres matchs
France/Italie au cours de l’histoire) et Europe 2, et MTV Russe aussi. Sur la
première, c’est Diams, Nadiya, Justin Timberlake et consorts, sur l’autre, ce
sont les équivalents russes.
Sinon on papote (enfin ELLES papotent et moi j’écoute, avec la traduction
parfois de Rukhshona ou Roxana) et Mamamachin nous parle de son frère qui a
l’air d’être original et créatif (au grand dam de ses parents d’ailleurs…). A
chaque fois qu’il se lance dans un programme de rénovation de la maison, il
invente de nouveaux systèmes… Il a par exemple changé la porte des toilettes
qui ne s’ouvre plus normalement mais qui apparemment est en deux parties, ce
qui a grandement perturbé la grand-mère qui croyait que la porte était cassée…
Aussi, il a changé la porte d’une armoire de manière à ce qu’elle coulisse vers
le haut, sauf que la mère est trop petite pour l’atteindre une fois que c’est
ouvert. Il a également arraché les antiques radiateurs fixés au mur (et qui ne
fonctionnent plus depuis la chute de l’URSS) pour en faire un escalier design
qui mène au jardin…
Vers 20h, c’est l’heure de rentrer. Un ami de la famille propose de nous
ramener. Nous = Mamatruc, moi et le frère de Rukhshona qui me raccompagne pour
être sur que tout va bien. On dépose Mamachose assez rapidement, reste le frère
de Rukhshona (dont je n’ai pas retenu le nom une fois de plus) et moi. La
voiture est plutôt vieille, il n’y a toujours pas de ceintures de sécurité et
en plus notre chauffeur a des problèmes cardiaques… Sisi, il s’arrête plusieurs
fois sur le bord de la route et sort prendre l’air. La première fois, sous mon
air interrogateur (non parce qu’on aurait dit qu’il attendait quelqu’un…) il
m’a montré son cœur tout en respirant profondément…
Moyennement rassurant tout ça : si on ne meurt pas d’un accident de
voiture parce qu’un idiot (ou nous, d’ailleurs !) aura grillé le feu rouge
ou parce que la voiture de devant aura freiné brusquement, c’est notre
chauffeur qui va nous faire une crise cardiaque et nous précipiter dans un
fossé…
Bien sur, en sortant du taxi, il propose que nous allions faire quelques
pas. Bah, c’est le frère de Rukhshona, il doit être mieux élevé que ces brutes
tadjikes, non ? Non… Enfin si, quand même. On veut pour aller se balader
derrière la statue Somoni, mais un gentil policier pas très aimable nous dit
que c’est « zakrit » (= fermé). Alors on se rabat sur le parc Lénine
qui est désert, super sombre et qui a environ 4 bancs, tous au même endroit. On
commence à parler de tout et de rien, en tout cas pas de grand chose car son
vocabulaire en anglais est très limité et mon vocabulaire russe est guère plus
fourni… Et puis vient la fameuse question, celle que j’attendais depuis la
seconde où nous nous sommes assis sur ce banc : est ce que j’ai un
copain ? Oui, oui, et c’est reparti pour l’histoire habituelle du copain,
avec quelques variantes (ça évolue selon mon humeur, mon interlocuteur et mes
progrès en russe…). Je suis finalement délivrée lorsque Rukhshona et sa mère
l’appellent pour la 10e fois pour savoir où il est et pourquoi je ne
réponds pas au téléphone de chez moi…
D’ailleurs, à peine rentrée, le téléphone sonne. Je m’attends à entendre
Rukhshona, mais non, c’est ma maman qui voulait prendre de mes nouvelles…
Rukhshona téléphonera quelques minutes après que j’ai raccroché avec ma moman.