Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Tadjikistan : la future superpuissance mondiale
Tadjikistan : la future superpuissance mondiale
Publicité
Archives
30 novembre 2006

Guide de survie par Hélène - le train en Chine

Pas de journal aujourd’hui, mais un nouveau guide de survie concocté comme toujours par Hélène, notre correspondante à Shanghai.

Guide de survie n.8: le système ferroviaire chinois

Apres le métro et le taxi, il était logique de finir cette série sur les moyens de transports chinois avec le train[1]. Alors attention : que ceux qui s’attendent à ce que je sorte une ânerie du genre : les trains en Chine, ils sont tellement bondés que les gens dépassent même des fenêtres, et bien non je ne dirai pas ça, car ce n’est pas vrai. Par contre, je dirai plutôt : les trains en Chine, ils ont un système de vente de billet tellement mal centralisé que tu peux être sûr qu’une autre personne a le même siège que toi.

En Chine, si tu prends le train tu es assuré d’en avoir pour longtemps, tellement les distances sont grandes. En Chine, les trains couchettes sont choses communes. En Chine, tu peux passer trois jours dans un train, rien que pour rentrer voir ta famille. Un exemple : rien que de Shanghai à Hong Kong, il te faut 24 heures. Ca te laisse le temps de réfléchir à la destinée humaine tout ça…

Les trains en Chine ne vont pas excessivement vite, et souvent ils s’arrêtent dans quelques obscures banlieues de grandes villes, et autres petites bourgades inconnues de 300 000 habitants, perdues au fin fond du Zhejiang. Le système de vente des billets est assez particulier. La Chine est, dois-je le rappeler, un pays communiste. Donc leur credo à la SNCF chinoise, c’est de laisser à chacun une chance de pouvoir acheter son billet de train. Conséquence : tu peux acheter ton billet aller dans les 11 jours précédant ton départ, et pas avant ; tandis que le billet de retour, et bien tu peux toujours te brosser Martine. Tu ne peux l’acheter qu’une fois arrivé dans la ville de destination !

Il y a en général deux classes pour les trains de jour, et trois classes pour les trains couchettes. C’est dans ces derniers que la différence se fait la plus sentir. Alors que dans les trains de jour, la différence entre les1ere et 2nde classe se fait dans le moelleux du siège (dur : rembourrage en poil de chien des abattoirs, mou : en poil de Yak des montagnes du Tibet Occidental: toute l’essence de la théorie communiste de la division de la société en classes se trouve là…) ; dans les trains couchettes, la différence se trouve dans la présence de couchettes… ou pas. En première classe, le voyage se fait en compartiment de quatre personnes, c'est-à-dire toi et trois Chinois (les chances d’être avec un étranger sont quasiment nulles, ce qui n’est d’ailleurs pas plus mal). Petite lumière personnelle, climatisation, cintre ultra kitch pour suspendre tes effets personnels, dîner servi par une employée (plat chaud comme dans les avions, crudités, et quelques petits snacks), lit ma foi tout à fait confortable. Probabilité de se faire voler : 20%. En seconde classe, nous passons de quatre à six dans chaque compartiment, les lits sont plus durs et moins jolis, et il y a moins de place. Probabilité de se faire voler : 50%. Enfin, en troisième classe, ce ne sont que des sièges, il n’y a plus de lit. Probabilité de se faire voler : 0%, puisque de toute façon vous n’arriverez pas a fermer l’œil de la nuit…

J’aime les trains en Chine : c’est joyeux, c’est familial, c’est la débandade. En France, on vous fusille du regard dès que votre portable sonne trop longtemps, vous n’avez pas le droit de fumer (il y a toujours les arrêts, où l’on peut voir les désespérés de la clope descendre du train et se geler tristement dehors), si tu veux écouter de la musique le périmètre maximum autorisé s’arrête à la mousse de tes écouteurs. Bref, c’est chiant à mourir. En Chine, il y a de l’ambiance, de l’animation. Ca rigole, ça parle. Vous avez le droit à une petite musique digne du top 50 des musiques d’ascenseur pendant tout le trajet (morceaux choisis : « Ce rêve bleu » tiré d’Aladdin, et « My heart will go on » de Céline et son Rééénéééé), les sonneries de portable fusent de partout, il y a trois fois plus de personnes dans le compartiment que de sièges, et lorsqu’au début vous cherchez le votre, vous pouvez être sûr qu’il est occupé par:

1/ quelqu’un qui a le même billet que vous,
2/ quelqu’un qui a un autre billet mais qui s’en tape comme de l’an 49,
3/ le fantôme de Mao.

Le troisième cas est bien sûr hautement improbable. Dans les deux premiers cas, le résultat est le même : vous allez dégager la personne vite fait. Pourquoi ? C’est peut être dur à dire, mais parce que vous êtes un étranger. Dans le second cas, vous avez de toute façon tous les droits puisque c’est votre place (et que 1949 est tout de même une date importante ici) ; dans le premier cas, et bien vous allez jouer sur le fait que :
1/ vous êtes (ou pas) blonde aux yeux bleus, ce qui est assez intimidant pour un chinois,
2/ que vous faites semblant de ne pas parler la langue (attention : ni chinois, ni anglais),
3/ que les Chinois vont sûrement vouloir donner une bonne impression de leur pays et dans la plupart des cas se lèveront pour vous céder la place, même si cela implique qu’ils fassent le trajet debout.

Attendez-vous également a ce que l’on vous parle (tant mieux vous êtes là pour ça). Après la phase d’observation curieuse mais discrète (‘Oh oh, j’ai un étranger à côté de moi’), le Chinois entamera la conversation sur n’importe quel prétexte, et la poursuivra généralement jusqu'à ce que :
1/ le train soit arrivé à destination,
2/ le Chinois ait envie de dormir, et un Chinois qui a envie de dormir, et bien rien ne peut l’empêcher de le faire, peu importe le lieu et le moment,
3/ il s’aperçoive qu’ayant un petit creux, vous lui avez mangé son déjeuner pendant qu’il parlait.

Vous observerez plusieurs réactions selon votre nationalité : pour les français il n’y a généralement pas de problème (cf. guide de survie 2), les américains, ça passe moyen (quoiqu’ils vont diront derrière leur dos qu’ils ne les aiment pas trop), les japonais, depuis longtemps les chinois ne les portent pas dans leur cœur ; enfin le meilleur pour la fin : si vous êtes allemand vous aurez peut-être l’occasion de voir, de votre siège, un Chinois vous faire avec un grand sourire le salut nazi. Mais attention cela reste un phénomène assez rare. Je ne cherche pas à expliquer son attitude, j’espère seulement que cela est due à une méconnaissance historique. C’est vrai que les cours d’Histoire en Chine peuvent quelquefois être relativement superficiels et lacunaires sur certains points…

En tout cas prendre le train en Chine est une épreuve particulièrement éprouvante au moment de la ‘Golden Week’, à savoir la semaine de vacances que le gouvernement a bien voulu accorder aux masses travailleuses, lors de la fête nationale du 1er Octobre et lors du Nouvel An Chinois vers février. A ce moment-là, ce sont des millions et des millions de chinois qui prennent la voiture, le bus, le train, et l’avion, pour :
1/ rentrer voir leur famille,
2/ fuir le plus vite possible de ce pays liberticide et se réfugier en Corée
du Nord du Sud,
3/ partir en vacances dans un endroit aussi exotique que possible, dans la limite des ressources financières du ménage et dans les limites des frontières du pays généralement.

Ainsi les deux jours précédant la fête nationale les trains sont absolument bondés, ce qui n’en rend le voyage que plus excitant !! J’ai tellement hâte qu’arrive le Nouvel An Chinois : comme ça je pourrais aller visiter, dans la province reculée du Guizhou, la famille de mon futur ex mari chinois, ouvrier sur les chantiers de son métier, et travailleur illégal de son état !


[1] Petite innovation: dans ce guide se trouve des questions- quiz. Plusieurs réponses peuvent être justes. Le (a) gagnant(e) aura le droit de me taper mon rapport de stage !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité