Les jours d’hiver se suivent et
se ressemblent : toujours pas l’ombre d’une ligne électrique fonctionnelle
aux alentours de l’OIM. Comme les températures ne montent pas beaucoup au
dessus de 0°C, et qu’on n’a chauffé aucune pièce depuis un moment, tout le
monde commence à se les geler franchement. Moi, ça fait déjà longtemps, mais je
suis un monument de frilosité aussi. Travailler devient véritablement un
calvaire, et pas seulement pour moi : Rohila craque en fin de matinée et
décide de rentrer chez elle. Je retourne à l’IRCLM avec l’espoir de trouver un
havre de chaleur et de lumière mais peine perdue. Il n’y a plus d’électricité
depuis la veille, peu après mon départ. Les filles vont même jusqu’à m’accuser de leur avoir
apporté le malheur de la panne électrique, voire
d’avoir saboté leur installation électrique par rancœur. Sauf que, contrairement à l’OIM,
l’IRCLM n’a pas de générateur : qui dit coupure, dit plus d’ordinateurs,
et plus rien pour travailler à part son crayon et sa feuille (et seulement dans
l’après-midi car dès que la nuit tombe, personne n’y voit plus rien.
Je pose à Mehrinisso les
dernières questions qui me tarabustaient, puis on discute de choses et d’autres
avec Mukarrama. Celle-ci n’arrête pas de se plaindre car elle a froid et,
surtout, elle n’a pas bu un seul café de la journée (il paraît que c’est
rigoureusement impossible pour elle…).
Qu’à cela ne tienne. Zarina,
Mehrinisso, Mukarrama et moi nous rendons au café/fast-food de Sitora, emmenées
par le si gentil et si serviable mari de Mehrinisso. Deuxième fois que je le
rencontre, mais il a l’air toujours aussi doux et sympathique. Et d’après les
filles, c’est vraiment une crème. C’est le deuxième mari de Mehrinisso je
crois. Une fois installées à une table, on commande pizzas pour tout le monde,
thé pour Mehrinisso et moi, et café pour Mukarrama (double café d’ailleurs) et
pour Zarina. Sitora n’est pas chauffé (même s’ils ont de l’électricité) donc on
garde sagement nos manteaux et on tente de se réchauffer en rigolant beaucoup.
Mukarrama adore raconter des blagues et elle ne s’en prive pas. On plaisante
sur le fait qu’elle ne soit pas mariée, et on cherche à lui trouver un mari
convenable. Elle rétorque qu’elle ne se mariera que lorsqu’un un prétendant lui
offrira une maison (c’est une ancienne coutume islamique, qui veut que l’homme
offre une maison ou un autre bien solide à sa future épouse, pour qu’il lui
reste quelque chose si jamais il venait à la répudier par la suite). Alors on
se rabat sur les riches prétendants potentiels : Mahmoud
(« non » catégorique), Anvar Boboev (« non » encore plus
catégorique accompagnée d’une grimace de dégoût et d’un long frisson
d’horreur), etc.
On finit par rentrer chez nous : moi à pieds et les autres en taxi.
Il est 16h30 et ça fait un bien fou de rigoler juste entre filles.