mon premier colis
Pour changer de la routine quotidienne, je ne me dirige pas vers le
bureau ce matin, mais vers la poste. J'ai pris mon sac à dos pour
mettre le colis dedans, mon passeport et mon précieux petit papier
écrit en cyrillique. J'entre dans la poste et je découvre qu'il y'a
plein de petits stands à l'intérieur et non pas toute une rangée de
guichets avec une file d'attente interminable. Totalement désorientée,
je m'approche du premier stand venu et tends mon papier à la bonne
femme sans prononcer un mot (c'est fou comme on se sent coupé du monde et totalement autiste dans ces moments-là). Elle regarde le papier, me regarde, regarde encore le papier (elle cherche un air de famille ou quoi ?) puis me rend mon papier, me montre un endroit sur sa droite et dit
quelques mots en russe. Je capte le mot « premier » et j'en déduis
qu'il faut que j'aille au premier comptoir sur la droite.
Bonne femme suivante, même procédé. Elle regarde mon papier, puis me regarde (ah non ! Elle va pas s'y mettre elle aussi), a l'air de se rendre compte que je ne parle probablement pas un mot de russe et ne dit qu'une chose : « passport » (toujours avec ce bel accent russe).
Je lui tends mon passeport, mais quand elle se rend compte qu'il n'est
ni traduit en russe, ni traduit en tadjik elle fait la tête. Elle me
rend mon passeport ainsi qu'un petit formulaire à remplir, toujours
écrit en cyrillique. J'ai beau déchiffrer, y'a écrit nulle part « nom »
ou « adresse » (ce sont les seuls que je connais). Je regarde la bonne
femme avec un air de chiot apeuré (ou de chien battu, c'est selon !)
suppliant qu'on lui vienne en aide, mais rien à faire, elle bouge pas.
Pendant les 5 minutes qu'a duré ce petit manège, d'autres personnes
sont venues remplir des papiers ou chercher quelque chose. Plantée là
avec mon papier et mon stylo à la main, je finis par émouvoir un vieux
monsieur qui me prend passeport, papier et crayon des mains. Je
l'observe attentivement pendant qu'il remplit mon papier afin de
pouvoir tout refaire seule la prochaine fois. En fait, il leur faut
juste mon numéro de passeport, ma nationalité, la date de validité de
mon passeport et une signature. Si c'était que ça, y'avait qu'à
demander !
Satisfaite, la femme sans cœur va chercher mon colis qui est enfermé
dans un sac de jute avec un sceau à l'ancienne (à la cire rouge et tout
!). Ca fait très « tintin reçoit un colis au fin fond de l'Amazonie
dans les années 1950... ». Mon colis est effectivement très volumineux,
il ne rentre pas dans mon sac. Je transporte ça comme je peux et je
déballe le tout une fois dans l'appart (après avoir bien sur, bataillé
avec le scotch et autres artifices maintenant mon colis hermétiquement
fermé) : tout est en vrac, mais tout est là. Pas de mauvaise surprise
de ce côté-là (sauf peut-être les madeleines écrasées ?). Je contemple
le carton désormais vide avec quelque émotion, puis je me secoue : il
serait temps de se mettre en route sinon John va finir par arriver au
bureau avant moi !
L'après-midi passe un peu trop vite pour une fois. Malgré mes appels
désespérés, personne ne se propose pour être mon mari pendant une heure
ou deux, ni pour me prêter son alliance (ou une quelconque bague), ni
pour faire la traduction. John lui-même se défile lâchement en
prétextant qu'il est invité au mariage de la fille de son proprio...
Comme par hasard, pile le jour où j'ai besoin de lui !!!
Bon rendez-vous ou pas, il faut quand même que je pense à faire mes
courses. Je pars donc un tout petit peu plus tôt pour faire un crochet
par le supermarché. Mais je calcule mal mon temps et j'arrive avec 5
minutes de retard au point présumé de rendez vous (après tout je suis
pas sure qu'il ait compris la même chose que moi). Un coup d'œil à
droite, puis à gauche, je ne vois personne. Je m'arrête pendant les 15
secondes syndicales puis je déclare le rendez-vous annulé pour cause
d'absence injustifiée d'autrui (et je veux un mot signé par les parents
pour lundi ou un certificat médical). Je ne me réjouis pas trop vite,
je dois encore passer le souterrain : peut-être est-il embusqué
derrière un bouquet ? Non, y'a personne de suspect dans le coin non
plus.
Toute guillerette, je parcours le reste du trajet allègrement, mais mon destin (ou ma poisse, c'est comme vous voulez) me rattrape dans la cage d'escalier (j'y crois pas... à 10 mètres près j'étais chez moi et en sécurité).
Il se trouve que deux hommes montent les escaliers en même temps que
moi. Politesse oblige, ils me saluent. Je réponds par politesse
également. Pas de bol, il s'agit de mes voisins de palier, du numéro 22
et eux, m'ont reconnue. En voisins courtois (pensais-je au début) ils
m'invitent dans leur appartement. Quelle raison pourrai-je invoquer
pour poliment refuser ? Je n'en vois aucune alors j'accepte. Je pose
quand même mon sac plein de courses chez moi et me rends chez mes
voisins. En fait, c'est pas un appartement, c'est un bureau. Les deux
hommes, Ahmadsha et Abdukader, sont afghans et font de l'import/export
(d'après ce que j'ai compris, ce qui est sujet à caution vu les
capacités très limitées de mes interlocuteurs à parler anglais). Ils
m'offrent des fruits et du coca (aïe aïe aïe, je sens l'épreuve du courage, sacrifice et abnégation arriver...).
Je demande avec espoir s'ils n'ont pas d'eau tout simplement. Négatif.
Bon et bien, va falloir faire l'effort de boire au moins la moitié du
verre pour ne pas paraître impolie (pour ceux qui n'auraient pas compris, je déteste le coca).
On tente de discuter un peu, mais c'est plutôt dur car Ahmadsha parle
un anglais très rudimentaire et son copain ne parle pas du tout
anglais. Ca ne l'empêche pas de m'inviter à dîner ce soir. Oulah, non,
pas question !! Faridun, c'est mon proprio, c'est une chose. Lui, je ne
le connais pas, il fait plus d'1,80 m (contrairement à Faridun qui fait approximativement ma taille),
beaucoup plus carré que moi, et surtout qu'est ce que je vais bien
pouvoir lui raconter pendant tout un repas ?? J'explique donc que j'ai
beaucoup de travail pour ce soir (oh le mensonge...) et que
ce sera pour une autre fois. Ahmadsha parvient à m'extorquer mon numéro
de téléphone car il souhaite « pratiquer » son anglais (ça va être marrant ça...) et je finis par rentrer chez moi.
J'étais en train de manger une sorte de sandwich confectionné par mes
soins quand le téléphone sonne. Est-ce que c'est Ahmadsha qui appelle
déjà ? Non, c'est juste Christine (l'allemande de la randonnée) qui
veut savoir si je vais au « concert » des H2O (un groupe tadjik) demain
à 18h30. Ok, rendez vous à 18h.
Plus tard dans la soirée, Mehrinisso m'appelle : elle va à la piscine
demain à 17h et me propose de l'accompagner pour voir comment c'est. Ah
non, ça va pas être possible la, mon samedi est blindé ! Ca sera pour
une prochaine fois.