Au DPIM
C'est le grand jour : j'ai mon premier rendez-vous avec un « official »
d'un quelconque ministère. Prions pour que ça se passe bien. Déjà, ça
part pas super : il pleuviote ce matin et il fait frais. Je prends donc
mon parapluie au cas où. Et puis tant qu'à faire je « m'améliore » : un
peu de maquillage et une paire de boucle d'oreille, ça devrait me
donner deux ou trois ans de plus. A peine arrivée au bureau, on repart
chercher Mehrinisso puis on va au MoI (Ministry of Interior). Mais
c'est que c'est tout un bazar pour rentrer dans l'enceinte de ce
bâtiment ! Il faut d'abord aller à un guichet qui se trouve à une
cinquantaine de mètres de la grille d'entrée. Expliquer à la femme ce
qu'on vient faire et qui on doit voir (ça, c'est Mehrinisso qui s'en
charge), laisser nos passeports en otage, se faire remettre un vieux
papier avec quelques trucs gribouillés dessus qu'on doit retourner
présenter aux gardes armés de kalachnikovs qui encadrent la grille
d'entrée. Il faut aussi que j'ouvre mon sac à dos pour qu'ils
inspectent ce qu'il y'a dedans : une pomme, des écouteurs, un parapluie,
un cahier, une chemise, un appareil photo, une écharpe, un paquet de
mouchoirs et peut-être deux ou trois autres trucs, mais heureusement,
il ne regarde pas en détail. Certaines personnes ont droit, en prime,
d'être passées au détecteur de métaux (pas moi).
Direction : 4e étage. Bien sur, il ne me vient même pas à l'idée de
chercher l'ascenseur. Le bâtiment est vieux et humide, les couloirs
sont sombres et recouverts d'une vieille moquette. On trouve le bureau
124 (celui de Sharifa Usmanova) sans trop de peine, mais coup de
théâtre : elle n'est pas là. Il y'a son chef par contre, Kurbonali
Makhmadov, qui dirige le DPIM. Le bureau est spartiate : deux tables,
trois chaises, deux téléphones (sur le même bureau) et une armoire avec
quelques papiers dedans. En tout, la pièce doit être environ deux fois
plus petite que mon salon (qui n'est déjà pas très grand...).
L'entretien dure environ 1h30. Mehrinisso parle avec lui (je lui ai
passé la liste des questions que je voulais poser, et elle les pose en
russe) avant de me traduire. Ainsi que je le pensais, pas grand-chose
n'a bougé depuis que Juliette est partie. Il y'a beaucoup de blabla,
mais pas d'action. Le brave homme me semble être plein de bonne
volonté, mais pas grand-chose dépend de lui : il n'a pas de moyens, et
tout doit être décidé par le gouvernement, et le gouvernement n'est pas
très rapide. Surtout que les élections présidentielles approchent,
alors autant dire que tout est concentré là-dessus, et c'est même pas
la peine de demander quoique ce soit... Apparemment, le 1er étage est
en train d'être rénové (ah ? j'avais pas remarqué) et une fois les
travaux terminés, peut-être qu'on pourrait essayer de faire quelque
chose. Beaucoup de si, et il vaudrait mieux que je revienne dans 3 ou 4
mois (mais je serai plus là).
En sortant du MoI, un problème de taille se pose à nous : ni Mehrinisso
ni moi n'avons de téléphone pour appeler Mahmasaid et lui dire qu'on a
terminé. On trouve donc un téléphone public. Oubliez les cabines
téléphoniques France Télécom qui fonctionnent avec des cartes
téléphoniques. Oubliez même celles qui fonctionnent à pièces. Oubliez
les téléphones à touches. Oubliez toute notion de conversation privée à
l'abri des oreilles indiscrètes. Les téléphones publics sont situés
n'importe ou : contre un mur ou sur un poteau au bord de la route. Ils
ont un vieux cadran qui tourne. Ils sont bleus. Et on ne met pas de
pièces. On téléphone, puis on paye un gamin (le plus souvent) qui passe
sa journée à côté de « son » téléphone. Nous on paye 20 dirams (sachant
que 1 somoni = 23 centimes d'euros environ, et que 1 somoni = 100
dirams). Mahmasaid est, par chance, dans le coin, donc on n'attend pas
trop longtemps. On redépose Mehrinisso au centre, et c'est reparti pour
le bureau.
Mais je ne me sens pas très bien, et plus le temps passe,
plus ça empire. Quand j'en arrive au stade des frissons et que je me
rends compte que ça fait 5 minutes que je relis la même chose sans même
m'en rendre compte, je décide qu'il est temps de rentrer. Je téléphone
à Mahmoud pour lui dire que je ne me sens pas bien et je rentre. Comme
toujours dans ces cas là, le trajet du retour me semble horriblement
long, mais je survis (quoique j'avoue qu'à la fin, je me répétais sans
cesse dans la tête : plus que 5 minutes, et je suis arrivée... plus que
5 minutes et je suis arrivée... plus que 4 minutes...). Remède radical en
rentrant : un bon thé bien chaud, une assiette de riz nature sans
beurre, le rat crevé, et je me pelotonne sur le canapé... Ca va déjà
mieux !
Sinon, autres nouvelles importantes de la journée :
- aujourd'hui, les Etats-Unis devraient franchir (ou franchissent) le seuil des 300 millions d'habitants (je vous passe les détails sur les chances qu'il y'a que ce soit un immigré, clandestin ou pas)
- la rencontre historique
entre Ian Paisley (chef des protestants nord irlandais) et Gerry Adams
(leader des catholiques nord irlandais) prévue pour aujourd'hui, est
reportée sine die (ça veut dire indéfiniment). Il faut noter tout de
même, qu'en 30 ans d'affrontement et de combats, les deux hommes ne se
sont jamais parlés directement
- Cyril courbe un peu plus le dos aujourd'hui et rajoute une bougie
sur le cookie qui lui sert (sûrement) de gâteau d'anniversaire (à moins
que quelqu'un se soit décidé à faire un vrai gâteau cette année ? Et si
c'est le cas, j'en veux bien une part...). Ma contribution personnelle à cet évènement annuel se trouve ici.